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Les listes électorales aux Archives Nationales de Madagascar

 

Les listes électorales aux Archives Nationales de Madagascar

Les listes électorales sont l’une des sources importantes pour l’histoire des familles.  Ce sont les listes des personnes ayant le droit de vote dans une circonscription déterminée. Les critères d’inscription ont évolué au cours des deux derniers siècles. Au 19ème siècle, l’inscription a pu être censitaire, et conditionné au paiement d’un certain montant d’impôts (excluant de fait l’immense majorité des gens). La Deuxième République, en 1848, supprime le suffrage censitaire et le remplace par le suffrage universel masculin. Mais seuls les hommes sont inscrits sur ces listes, et il faudra près d’un siècle, pour que les femmes puissent s’inscrire librement sur ces listes électorales.  

Ce que l'on sait peu, c'est que trois autres catégories de personnes ont longtemps été exclus du droit de vote, et donc de l’inscription sur des listes électorales. Ce sont : 

  1. Les détenus qui ne pouvaient plus exercer leurs droits en raison de leur condamnation pénale.
  2. Les religieux, qui ont longtemps été soupçonnés de vouloir renverser la République au profit d’une monarchie conservatrice sous l’influence du Vatican et du Pape. 
  3.  Les militaires, car les autorités se posait la question de savoir si un soldat était capable de se soustraire de l'influence de son supérieur hiérarchique pour voter librement. Le droit de vote des militaires n’a finalement été acquis que par la publication d’une ordonnance en date du 17 août 1945. Les militaires des trois armées étaient désormais considérés comme des électeurs ayant les mêmes droits que les autres électeurs.

A Madagascar, les autorités coloniales ont fait établir des listes électorales, afin de permettre aux citoyens français, d’exercer leur droit de vote, essentiellement pour les élections municipales et pour les législatives. Ces listes excluaient de facto, la quasi-totalité des Malgaches ainsi que tous colons venant, aussi bien des iles voisines des Mascareignes, que ceux d’Asie, d’Amérique, d’Afrique ou d’Europe (un Suisse installé à Madagascar ne pouvaient être inscrit sur les listes électorales de Madagascar). Il fallait être citoyen français pour pouvoir s’inscrire sur les listes de sa commune de résidence.

Quelles sont les listes électorales conservées aux Archives Nationales de Madagascar ? On trouve ces listes dans la série F de l’inventaire n° 73 de la période coloniale. J’ai recensé les côtes suivantes : 

  • F 3 : Instructions générales sur les listes électorales.
  • F 13 : Listes électorales d’Antalaha en 1945
  • F 22 : Listes électorales d’Arivonimamo  en 1951
  • F 23 : Listes électorales de Diego-Suarez de 1914 à 1947
  • F 33 : Listes électorales de Fianarantsoa de 1914 à 1939
  • F 39 : Listes électorales de Fort-Dauphin de 1945
  • F 40 : Listes électorales de Majunga de 1929 à 1956
  • F 67 : Listes électorales de Nosy Be de 1929 à 1938
  • F 74 : Listes électorales de Sainte-Marie de 1946
  • F 78 : Listes électorales de Tamatave de 1939 à 1945
  • F 91bis : Listes électorales de Tananarive de 1944 à 1945

 

Quels renseignements concrets pouvons-nous trouver dans ces listes électorales ? Aux Archives Nationales de Madagascar, j’ai consulté la liasse F 33, concernant les électeurs de Fianarantsoa, pendant l’entre-deux guerres. 

La ville de Fianarantsoa, est la capitale des Betsileos. Géographiquement, elle est située sur le plateau central de Madagascar, à une altitude de 1200 mètres, et à une distance d'environ 400 kilomètres, au sud de la capitale de Madagascar. Elle va abriter jusqu'à l'Indépendance de 1960, des services de l'Intendance militaire.  Elle est peuplée d’environ 5 000 habitants en 1905 et de 14 000 habitants en 1935. Aujourd'hui, elle abrite un petit musée historique.

Photo du musée historique de Fianarantsoa
Musée historique de Fianarantsoa (photo F.Deleuze - 2013)


Entre 1914 et 1938, on constate un nombre très faible d’électeurs inscrits, même si ce nombre augmente jusqu’à la veille de la seconde guerre mondiale : 

  • 34 électeurs en 1914.
  • 69 électeurs en 1929.
  • 85 électeurs en 1932.
  • 124 électeurs en 1936.
  • 131 électeurs en 1938. 

Cette augmentation du nombre d’électeur, n’est probablement pas du à l’augmentation d’une colonisation venu de France, mais à une politique plus libérale, d’accession à la nationalité française pour les Malgaches et pour les métisses. Un décret de juillet 1931 du gouverneur général CAYLA, facilite cet accès à la nationalité française et l’on commence à trouver des noms malgaches dans les listes électorales, comme ce géomètre au service topographique s’appelant Robert RAMAMONJISOA

 Les renseignements susceptibles d’être fournis dans ces listes électorales, sont variables. Elles peuvent ne contenir que les noms, prénoms et profession des électeurs. Mais certaines listes de Fianarantsoa sont plus riches. Dans les listes de 1932, on trouve le nom, le prénom, la date et le lieu de naissance, la profession ainsi que la date d’arrivée à Madagascar. Ainsi, on peut apprendre que Raoul Victor AURIVEL, né le 29 novembre 1896 à Nîmes, est arrivé à Madagascar le 22 janvier 1921 et qu’il exerce la profession d’agent de commerce à Fianarantsoa. Il est donc arrivé peu après la fin de la première guerre mondiale à l’âge de 24 ans. En effectuant quelques recherches généalogiques dans d'autres sources, on va s’apercevoir qu’il va passer la plus grande partie de sa vie active à Fianarantsoa, où il se mariera deux fois. Ce n’est probablement qu’au moment de l’Indépendance qu’il retrouvera la France.    

A ces listes électorales, il y a aussi les listes de retranchements et d’ajouts de nouveaux électeurs. Ces listes complémentaires sont réglementairement réalisées chaque année, à une date précise. En 1929, les autorités administratives ajoutent 23 nouveaux électeurs et en retranchent 10, ce qui nous donne 13 électeurs supplémentaires en une seule année. 

Ces listes sont intéressantes.  On peut, non seulement savoir à quelle date, est arrivé un Français dans telle ou telle ville, mais on peut également savoir, avec plus ou moins de précision à quelle date, ce Français a quitté la commune. Parfois, on indique qu’il est revenu en France (4 cas à Fianarantsoa) ou qu’il s’est installé dans une autre commune de Madagascar (3 cas à Fianarantsoa), comme ce Jean-Edouard BOUTRY qui a quitté Fianarantsoa en 1929 pour s’installer à Mananjary sur la côte Est. Dans les autres cas, on apprend simplement que l’électeur est décédé. Un élément d’information d’un grand intérêt pour le généalogiste, quand on connaît la difficulté de retrouver les dates et lieux de décès des individus avant 1946.

Dans cette liasse sur les listes électorales de Fianarantsoa, il y a donc des listes électorales, des listes de retranchement et d’addition. Mais il y a aussi des éléments intéressants, concernant la gestion de la capitale des Betsileos. En 1927, on apprend que le conseil municipal de la ville est composé de cinq européens et de trois malgaches. Si les cinq européens sont élus sur la liste des électeurs français, les trois malgaches sont élus sur des listes d’électeurs indigènes. D'après les comptes rendus de ces élections "indigènes", on apprend que cette liste était composée de 207 électeurs inscrits et que parmi eux, 111 ont votés pour les élections.  Les trois élus malgaches sont :

  • RAZAFIMAHATRATRA
  • RAJAONAHSON Martin

Comment se sont passés les élections ? On ne le sait pas vraiment. Les listes électorales indigènes ne sont malheureusement pas conservés dans cette liasse. Peut-être sont elles conservées dans d'autres fonds.  Ce que l’on peut découvrir à travers les documents conservés, c’est que ces élus malgaches ont fait l’objet d’une enquête administrative, pour savoir, s’ils parlaient correctement le Français ou non, s’ils étaient des « sujets » plutôt proches des idées gouvernementales ou s'ils avaient des idées autonomistes, voir indépendantistes. Pour Fianarantsoa, on trouve les conclusions de l’enquête dans les documents. L’élection a finalement été validée et les trois élus ont pu exercer leur mandat. 

 

Les listes électorales sont donc des sources importantes pour les généalogistes et les historiens y compris à Madagascar. Elles donnent des éléments pour retracer les parcours de vie des individus, et leur implication dans la vie politique locale. Ces listes de la série F sont numériquement peu nombreuses, mais en recherchant dans d'autres fonds d'archives, comme dans le fonds des archives du Gouvernement général,  peut-être pourrions-nous retrouver d'autres listes et d'autres documents sur les élections à Madagascar. 

 

Frédéric DELEUZE, généalogiste

http://www.genealogiste.pro

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